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Philippe MEYER, l'homme des lettres... sur le pas de sa porte

Sociologue de formation, écrivain, journaliste et homme de radio, chanteur, Philippe Meyer a plus d’un tour dans son sac. Avec une amabilité déconcertante, il a accepté de signer la préface du livre PRATIQUER sans me connaître, à la simple réception de la prémaquette du livre. J’en ai été très touché et lui ai proposé une rencontre afin de présenter mon travail. Il me donne rendez-vous chez lui, à Paris, dans un quartier historique de la ville. A l’heure dite, je sonne à l’interphone ; me répond une voix, la voix chaude et connue de l’homme de radio. J’ai l’impression d’allumer mon poste !

Avec Philippe MEYER, nous partageons un café et devisons d’un lieu que nous fréquentons en commun dans l’Aveyron. Son téléphone portable a sonné et il répond à un ami sans s’en cacher. Visiblement son ami a un morale à ne pas voir les étoiles dans la nuit : « est-ce que, tout déprimé que vous êtes, vous déjeunez encore ? ». A ce stade, où l’art de la formule s’immisce dans la vie ordinaire, la formule relève du grand art.

Adolescent, Philippe MEYER a une ambition simple et classique, celle de devenir chercheur. Son parcours sera plus sinueux. Il a eu la chance de croiser tout jeune la vie de Nicole et Pierre CATALA, tous deux agrégés de droit, partagés entre la vie réelle comme consultants et la vie intellectuelle au titre d’agrégé. La route semble toute tracée et Philippe MEYER débute presque par mimétisme des études de sociologie et de droit avant de commencer une carrière de chercheur travaillant sur le traitement social de la violence. Mais face à une réforme qu’il juge absurde et bureaucratique, il se fâche avec la directrice de sa faculté, Alice SAUNIER SEITE, et donne sa démission. Jean-François REVEL, qui veut rajeunir son équipe rédactionnelle du journal l’EXPRESS, lui propose alors d’écrire des critiques culturelles. Car là est la faille par où va passer la lumière : l’homme s’intéresse depuis longtemps à la culture. « Le théâtre et la chanson m’ont toujours intéressé. A 6 ans, j’avais déjà vu un spectacle des frères Jacques et à 8 ans, Cyrano de Bergerac m’avait déjà conquis. Tout cela grâce ou à cause de l’intérêt que portaient ma grand-mère et ma tante pour des choses variées ».

Philippe MEYER se remémore ses années 70 avec délectation considérant qu’à l’époque, « théâtre publique et théâtre privé étaient en grande forme. On avait l’impression de vivre beaucoup de vies en peu d’années ». Son goût pour la chanson s’enrichit également à l’occasion de nombreux séjours au Québec comme sociologue alors qu’il s’intéresse à l’éducation préventive et à la prévention de la délinquance : « j’ai beaucoup aimé ce pays et tout ce qu’il nous a apporté. Pour 6 millions d’habitants, on avait 5 millions de francophones et chaque fois que l’on soulevait une pierre, on découvrait un artiste en dessous. Cela ne s’arrêtait jamais». C’est aussi à cette occasion, qu’il prend goût pour les travaux de terrain. Il conservera cette accointance à travers des reportages pour le journal l’Express dont il devient en 1984 rédacteur en chef du service culture. Il y cultive l’amour pour les artistes qui interprètent sans gesticuler. Pour se faire comprendre, Philippe MEYER file la métaphore et évoque un match de tennis qu’il a eu la chance de jouer contre Jean BOROTRA : « c’est le plus beau match que je n’ai jamais joué. Je me suis fait battre à plate couture. BOROTRA n’a pas bougé de plus d’un mètre. Avec REGGIANI, chanteur, c’était pareil ; Et c’est ce que j’aime dans les chanteurs acteurs. Ils ne bougent pas : ils interprètent. »

L’homme des chansons à texte

Pour la préface, je témoigne de mon envie de le voir parler du côté sérieux que recèlent les arts mineurs comme la chanson mais il m’interpelle : « vous savez, ce sont les circonstances qui font que les choses sont plus ou moins sérieuses. » Il rappelle ainsi avoir chanté Paris à travers un spectacle et avoir rempli une salle de spectacle de 500 places au Chili simplement avec les deux seuls mots : PARIS et CHANSONS. « Je dois à la chanson tant d’amitiés et de camaraderie ». Quand on sait qu’il a animé un séminaire à Science Po sur Paris, ses cours étaient ils chantés ?

La radio a bien occupé sa vie : « l’idée de me mettre derrière un micro est peut-être bien de Jacques Chancel. C’est ce qu’il disait. Il s’appropriait beaucoup de choses mais là, je crois bien qu’il avait raison. » Sur France Inter, en plus d’une activité de chroniqueur dont chacun se souvient du côté matutinale, Il croque les politiques lors d’émissions qui leur sont consacrées. Avec une malice pétillante, il se souvient de sa première chronique croquant Georges MARCHAIS : « il n’avait pas préparé son émission. S’il l’avait fait, il se serait méfié de quelqu’un qui venait d’écrire un livre : le communisme est-il soluble dans l’alcool ! » Les mises en boîte vocales débutent. Tout le monde y passe, y compris le président de la République de l’époque François MITTERAND mais sa chronique politique tombera avec Martine AUBRY qui refuse de la subir ! Il démissionne considérant que sa direction de l’époque se courbe devant les politiques. France Inter revient le chercher et lui demande de proposer un nouveau concept. C’est à ce moment que naît son émission La prochaine fois, je vous le chanterai : « ma formule est d’illustrer un thème à travers toute une série de chansons puisées dans le trésor de la discothèque de la Maison de la Radio, collection qui couvre la période de 1880 à 2015. Notre documentaliste Thierry DUPIN, fou de chansons et d’informatique, me prépare une vaste sélection de chansons. J’écoute tout. Cela prend du temps et nécessite d’en faire l’écoute par tranches car se concentrer sur les textes des chansons suppose de ne pas pouvoir le faire longtemps sans pause. Alors, j’ai tout sur un petit baladeur et je profite de nombreux moments pour faire mon choix».

Nous parlons de mon projet, de sa préface. Je lui dit bien connaître mon sujet photographique car pratiquant moi-même le métier, sujet de mon travail photographique. J’insiste pour lui dire combien peut être extraordinaire, hors de son contexte, l’ordinaire des uns ou des autres qui n’en ont pourtant plus conscience. « Je suis un écrivain de la réalité. Pour écrire sur Paris, j’ai demandé de suivre les pompiers de Paris. J’y ai vu des choses incroyables. Entre deux appels, j’essayais de questionner ces pompiers, certain d’y trouver une richesse d’expériences. Mais eux n’y voyaient que du banal ! ».

Nous nous quittons. Il me dit s’inspirer pour sa préface d’une citation de Napoléon : va pour Napoléon du moment qu’il n’y ait pas le sacre ! Je prends note vite et mal sur mon calepin car il me faut m’éclipser. Je pense pouvoir me relire : « J’aime les gens qui maîtrisent leur métier ». A travers quelques formules de politesse appelant peut être à se revoir en pays rouerguat, Philippe MEYER me raccompagne sur le palier de sa porte. Point de carte de visite affichée à côté de la sonnerie, juste collé au mur un jeu de scrabble avec un mot centré sur le plateau : MEYER.

Merci Monsieur MEYER d’avoir accepté de signer ma préface car je sais combien vos mots comptent doubles.

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